Toutes de pierres vêtues, dressées fièrement sur les promontoires rocheux du littoral corse, les tours génoises sont sans conteste l’un des symboles les plus forts de l’île. Construites au cours du XVe siècle pour défendre la Corse des invasions barbaresques elles sont l’un des derniers vestiges de son passé tumultueux.
« Les tours dites génoises (…) forment une part non négligeable de notre patrimoine architectural. Mais elles font sans doute aussi partie de nos paysages familiers au point qu’il nous paraît impossible d'imaginer le littoral de l’île sans elles ». Antoine Marie Graziani, 1992.
Imperturbables, majestueuses, depuis leurs avancées rocheuses elles contemplent les côtes de l’île et la mer Méditerranée. À l’époque fières gardiennes de la paix sur terre comme sur mer, elles sont aujourd’hui les reliques du passé d’une île dont le cœur a toujours battu au rythme des luttes de pouvoir méditerranéennes. Si leur fonction défensive n’est plus au goût du jour depuis bien longtemps elles n’en restent pas moins importantes pour l’île et son patrimoine. Ainsi il est difficile de se promener sur le littoral, ou dans les communes côtières, sans croiser la noble silhouette de ces tours anciennes. Mais savez-vous pourquoi nous les nommons « tours génoises » ? Connaissez-vous leurs origines ? Pour cela, il faut faire un saut de plusieurs siècles dans le passé.
La Méditerranée : les romains l’appelaient la "mare nostrum" (notre mer en latin) et durant le long règne de ce glorieux empire elle vécu une période faste et opulente. Toute invasion barbaresque était alors lourde de conséquence et peu de pirates osaient braver la toute puissance maritime romaine. La prise de Constantinople par Mehmed II et ses troupes Ottomanes en 1453 signe la chute de l’empire Romain d’Orient (ou Byzantin) et le retour des raids barbaresques sur la Méditerranée. La Corse, alors sous domination Génoise ne fait pas exception et subit quotidiennement des assauts meurtriers et destructeurs. Les populations villageoises de l’île, qui sont les premières victimes, demandent à Gênes de les protéger.
En 1530, après avoir dépêché deux commissaires extraordinaires sur l’île, la République de Gênes commence à étendre à la Corse le système de vigilance déjà en vigueur sur le pourtour méditerranéen. Entre 1530 et 1730, le réseau passe d’une vingtaine de tours à plus de 150 dont 30 seulement dans le Cap Corse qui ouvre la route vers le golfe génois. Les tours sont alors majoritairement financées par les populations, au moyen de taxes notamment et avec l’aide de l’Office de Saint Georges (institution financière de la République de Gênes qui, dès 1453, prend en charge la gestion financière de l’île).
Elles sont édifiées de préférence sur des positions dominantes à même la roche, pour que les gardes puissent avoir la meilleure vision sur la mer et ainsi alerter à temps les populations d’une invasion barbaresque imminente. On les retrouve dans des points stratégiques, à l’entrée de golfes ou de anses, près de villages côtiers voir même à l’intérieur des terres dans certains cas.
Les tours génoises sont des édifices de 10 à 20 m de haut, pour 8 à 10 m de diamètre. Fortification militaire ayant pour but la surveillance et la défense, elles sont construites sur trois niveaux. Au sous-sol la réserve permet de ranger vivres, munitions et outils tandis qu’une citerne stocke l’eau de la tour tout en recueillant celle de la pluie. Le second étage accueille la salle de repos, espace de vie unique des gardiens de la tour, séparé de l’étage supérieur par un plancher très sommaire. Pourvue de petites niches et d’une cheminée, cette pièce rustique est habitée par les gardes à tour de rôle. À l’étage supérieur on trouve la salle de garde percée de meurtrières qui permettent aux gardiens de réagir en cas d’attaques et combattre le cas échéant. Enfin, une terrasse percée de mâchicoulis ou de bretèches (petit avant corps rectangulaire percé d’ouvertures) surmonte la tour et permet aux gardiens d’effectuer leur surveillance. L’entrée dans la tour se fait uniquement par le premier étage au moyen d’une échelle mobile qui est retirée immédiatement.
Les gardiens, appelés « i torregiani » (littéralement gardien de tours), sont postés pour prévenir toute attaque venant de la mer, mais ils renseignent également bergers, laboureurs ou navigateurs. En cas d’apparition d’une voile pirate à l’horizon, l’alerte est immédiatement donnée au moyen de signaux visuels (feu, fumée) ou sonores avec le colombu (une grande conque marine). L’alerte permet aux habitants de l’île de se réfugier vers les hauteurs en emportant bêtes et récoltes.
La garnison des tours est composée d’hommes recrutés parmi les populations locales et payés en grande partie par les taxes. Ces hommes résident en permanence dans la tour et ne peuvent s’en éloigner que pendant deux jours pour le ravitaillement ou la paye et ce à tour de rôle pour maintenir une présence constante.
Aujourd’hui, sur la centaine de tours dites génoises seules une soixantaine est encore debout. Certaines sont en ruine, d’autres sont en "bon état" et résistent vaillamment à l’érosion et au temps qui passe. Une grande partie de ces majestueuses constructions est d’ailleurs inscrite ou classée Monuments historiques. Plusieurs projets ont également vu le jour pour rénover et rendre leur visage d’antan à certaines tours. Cependant, faute de moyens et de programmes de restauration concrets beaucoup se détériorent peu à peu.
Désormais elles font partie intégrante du patrimoine touristique de l’île, certaines peuvent être visitées d’autres non, elles accueillent des musées ou des centres d’interprétation ou ont même été converties en habitations. Une chose est sûre cependant, les tours génoises font plus que jamais partie de l’histoire de la Corse et elles continuent de veiller, inlassablement, sur la mer méditerranée. Après avoir servi de dernier rempart contre la barbarie pendant des siècles elles goûtent aujourd’hui un repos bien mérité.
Notre article sur les fameuses tours génoises du littoral corse est terminé. Vous en savez désormais davantage sur leur histoire, leurs occupants et ce qu’elles sont devenues. Ne ratez pas notre prochain article sur les tours génoises les plus emblématiques de l’île et surtout la fameuse tour de la Murtella.
Avant de nous quitter, pourquoi ne pas jeter un coup d’œil à cette série d’articles pour en apprendre plus sur la Corse ou sur le voyage avec CORSICA linea : Le désert des Agriates terre unique et contrastée ; Partie 1 et partie 2 de notre série sur le Cap Corse ; Visiter la Corse en piéton ; Voyager en famille.
A bientôt !