On ne compte plus les dizaines d’édifices défensifs, aussi appelées « tours génoises » qui pullulent sur le littoral Corse, véritables vestiges de son passé tumultueux. Si les côtes sont largement fournies, le reste du territoire et notamment le centre, sont légèrement plus avares sur la question. A la différence du continent, châteaux et fortifications en tout genre n’y sont pas vraiment monnaie courante. Jean de la Fontaine disait d’ailleurs « la rareté du fait, donne du prix à la chose », d'autant plus vrai pour les fortins du centre de l'île, de Ponte-novu à Boccognano.
Ces silhouettes étranges se démarquent facilement dans ces paysages ou alternent courbes douces des collines et vallons et lignes droites, vertigineuses et arrachées des imposantes montagne qui constituent la colonne vertébrale de la Corse. Ici et là, sur une colline ou un éperon ces édifices anciens, toutes de pierre vêtues, montent la garde.
Pour comprendre pourquoi ces fortins et celui de Pasciola, ont été édifiés il faut revenir à la fin du 18ème siècle. Les troupes paolistes ont été battues et les militaires français doivent désormais contrôler le vaste territoire de l’île, du nord jusqu’au Sud. La construction d’une ligne de fortification composée de 12 à 15 édifices est alors préconisée par Mr de la Chiche.
Faute de financements suffisants, seules deux tours vont voir le jour à partir de 1772 sous l’impulsion du Compte de Vaux : le fort qui porte le même nom à Vizzavona, et le fort de Pasciola au-dessus de Vivario, qui nous intéresse.
Son destin était tout tracé. Le fort devait permettre de contrôler le territoire de la vallée du Vecchio, de couper la route à d’éventuelles bandes rebelles insulaires, de sécuriser les voies de communication et de résister à d’éventuelles invasions ennemies. Grandes ambitions et grands moyens. L’édifice est conçu pour héberger jusqu’à 48 hommes et abriter une quantité conséquente de matériel militaire. Citerne de 90m cubes, plusieurs pièces, 3 niveaux, pont levis et douves, rien n’est laissé au hasard pour cet ambitieux édifice. Le fortin est érigé sur un mamelon en amont de la vallée et surplombe le tracé de la nouvelle route qui doit relier Corte à Ajaccio. Destin tracé, nous vous disions.
En 1777 les ingénieurs des pont et chaussées refusent le tracé proposé de la nouvelle route. Ils le jugent trop abrupte et dangereux et lui préfèrent une pente plus douce. Le tracé est modifié et avec lui le destin du fortin. La route s’éloigne de la redoute, coup du sort elle est désormais hors de portée de ses fusils. Alors, le fortin ne remplit plus sa fonction défensive, avant même d’être occupé par une garnison, il n’a plus lieu d’être, il est oublié.
L’année 1796 porte définitivement le coup de grâce au fortin mal-aimé. Le royaume Anglo Corse n’est plus, les troupes de la perfide Albion ont quitté l’île et la tour qui rêvait autrefois de défendre la vallée et ses habitants, est désormais à la merci du premier envahisseur. L’édifice est entièrement pillé, les planchers, les volets, les menuiseries ou encore les pierres de taille, tout disparaît. Une fois les pilleurs partis, il ne reste plus que d’effrayantes et imposantes brèches dans le mur, la tour a perdu de sa superbe.
Malgré quelques travaux de consolidation effectués bien plus tard, l’édifice n’est jamais vraiment restauré et ne retrouvera jamais sa superbe d’antan. Pour l’admirer à son apogée, il ne reste donc plus que notre imagination.
Aujourd’hui le fort de Pasciola fait partie intégrante du patrimoine historique et culturel insulaire. Impossible (ou très difficile du moins) d’emprunter l’axe principal de l’île entre Bastia et Ajaccio et ne pas y prêter attention. Seul sur sa colline, à la fois fragile et imposant, il se détache nettement du paysage montagneux du centre de l’île. Lorsque viennent les beaux jours, le sentier qui y mène est arpenté sans relâche par les locaux et les vacanciers. Photographes improvisés ou initiés se pressent de le sublimer à travers leur objectif. S’il n’a pas eu la gloire à laquelle il aspirait, le fortin est bel et bien rentré dans le cœur des corses. Après la pluie, vient le beau temps, dit l’adage et on nous souffle qu’un projet est dans les fourneaux pour rendre à l’édifice ses lettres de noblesse …
Si l'envie vous prend d'aller rendre visite à cette ancienne sentinelle, sachez qu'elle est presque à équidistance (entre 1h15 et 1h30) entre Bastia, Ajaccio et Ile Rousse. Etonnante coïncidence puisque ce sont justement les ports que nous desservons ! Alors, après une traversée en ferry entre le continent et la Corse, prenez la route direction le fortin de Pasciola pour un plongeon dans l'histoire de Corse.
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