Une procession mémorable à ne pas manquer... Nous sommes à Sartène, la « plus Corse des villes corses », d’après Mérimée, la cité médiévale avec ses longues rues étroites et ses grandes maisons de granit...C’est ici que le soir du Vendredi Saint se déroule la procession du Catenacciu - (littéralement «l’enchaîné»).
Cette fête chrétienne est très ancrée dans la tradition corse, elle représente la montée du Christ au calvaire, matérialisée par un chemin de croix le long des rues de la ville, toutes illuminées de bougies rouges.
Une procession spectaculaire qui attire chaque année une foule nombreuse, composée aussi bien de corses que de non corses, chrétiens ou non chrétiens... venus de toute l'Île mais aussi de touristes profitant des vacances de Pâques pour découvrir cette manifestation unique...
Il est 21h. Au cœur de la ville dans une ambiance fervente, les portes de l’église Sainte-Marie s’ouvrent... le pénitent surnommé par les Sartenais «U Russu (le Rouge)» apparaît enchaîné.
Son visage est dissimulé sous une cagoule rouge. Il porte une grande aube écarlate qui recouvre ses pieds nus...
Il ploie sous le poids d’une grande croix en chêne (de 37 kg), ses chevilles sont entravées de lourdes chaînes (près de 17 kg). Ainsi enchaîné et les pieds nus, suivi par toute la foule, il va devoir parcourir près de 2 km dans les rues en pentes de la ville, de l’église Sainte Marie, jusqu’à son retour sur le parvis de la même église.
Il est suivi de près par un autre pénitent, appelé « U Biancu (Le Blanc) » habillé tout en blanc, aube et cagoule, qui lui sera d'une aide précieuse tout au long de la procession en portant le pied de la croix (comme Simon de Cyrène aida le Christ).
A leur suite, arrivent 8 autres pénitents, tous vêtus de noir. Ils incarnent les juifs qui menèrent le Christ jusqu'à la mort. Pendant le parcours, et comme le Christ, le pénitent rouge devra tomber trois fois, sous les chants et les prières de la foule. Et par 3 fois il sera aidé par le pénitent Blanc.
C’est ainsi que le Catenacciu va souffrir pendant plus de 2 heures !
Mais pourquoi une telle mortification ? Que peut-on bien rechercher à travers un tel défi ?
Si les réponses restent secrètes, on sait qu’il s’agit soit de demander la réalisation d’un vœu, soit l’absolution d’un péché, le plus grave étant la mort d’un homme... Personne, sauf le curé de la ville, ne doit savoir ni qui (homme, femme ?) se dissimule sous la cagoule, ni pour quelle raison il s’inflige cette procession. L’anonymat du porte-croix est bien gardé... Alors inutile de dire que la curiosité est à son comble, et que le soir, dans Sartène, les paris vont bon train pour tenter de découvrir l’identité du pénitent !
Et il faut savoir aussi que la liste des candidats au Catenacciu, tenue secrète, est longue, on peut attendre des années avant d’être choisi ! La foule, les chants, les prières et les lumières vacillantes des bougies donnent à ces moments une ambiance très particulière, pleine d’une ferveur... envoûtante, et qui peut parfois donner des frissons...
Alors rendez-vous cette année à Sartène, lors du prochain week-end de Pâques.
Texte signé par Françoise (spécialiste de l’histoire et culture Corse)