Dressée fièrement entre deux mers, au paysage déchiqueté et spectaculaire avec ses criques cachées et ses rares plages secrètes, cette fine péninsule au nord-est de la Corse ne laisse personne indifférent. Le Cap Corse, ou Capi Corsu en langue Corse, est une terre sauvage bordée par la mer Tyrrhénienne à l’est et la mer de Ligurrie à l'ouest. Partons ensemble à la découverte de ce petit bout de terre à l’histoire aussi riche que ses paysages sont sauvages et exceptionnels.
L'île dans l'île, le doigt de la Corse, ou encore "sacrum promontorium" (promontoire sacré) pour les romains et les grecs, le Cap Corse a bien des noms. Autrefois point hautement stratégique pour les puissances méditerranéennes cette envoûtante péninsule, toujours tournée vers la mer et bercée par les vents, est sans contexte l’un des plus beaux endroits de l’île. Si le Cap Corse est aujourd’hui une terre au charme indéniable où il fait bon flâner dans les ruelles pavées de petits villages de pêcheurs, il n’en a pas toujours été ainsi. Ce petit bout de terre à l’extrême nord-est de la Corse, coincé entre deux mers, a toujours attiré la convoitise des puissances voisines. On ne compte plus le nombre de civilisations, de puissances maritimes, commerciales et militaires qui ont conquis cette partie de la Corse qui offrait alors un contrôle sur les mers alentours, ô combien important dans les jeux de pouvoirs de l’antiquité à aujourd’hui.
Phéniciens, Étrusques, Phocéens, Carthaginois (de la célèbre cité de Carthage, bête noire du puissant Empire romain), Perses, Grecs, Romains, Toscans, Génois, Français, Turcs, Sarrasins … Vous l’aurez compris, la liste est encore longue et nous n’avons même pas abordé les luttes intestines de grandes familles et seigneuries locales.
Si certaines puissances n’y faisaient qu’escale ou y trouvaient simplement refuge, d’autres, moins amicales, ont souvent conquis cette terre au prix du sang, pour y asseoir leur domination, ou combattre les autres puissances installées dans le reste de l’île. Il faut dire, qu’à la différence du reste de l’île où la mer et les côtes étaient synonymes de danger et de maladies, l’histoire du Cap Corse est intrinsèquement liée à la mer. Les différentes marines du Cap ont toujours constitué un atout militaire et commercial majeur. Ce n'est pas étonnant lorsque l’on sait que sur la centaine de tours de guet commanditées par la République de Gênes pour protéger les côtes et permettre aux habitants de gagner la montagne en cas d’attaques barbaresques, un tiers garnissent le littoral du Cap.
Par son emplacement le Cap Corse est particulièrement à la merci des vents. On y dénombre par exemple près de 300 jours de vent par an, pas étonnant que ce soit le seul endroit sur l’île ou l’on peut apercevoir des éoliennes qui tirent avantage de ces vents capricieux et particulièrement du fameux Libecciu (le vent Corse par excellence). Péninsule schisteuse, elle offre un relief alternant entre collines à l’intérieur des terres et paysages abrupts qui se jettent directement dans la mer sur l’extérieur. Le littoral déchiqueté offre très peu de plages qui sont habilement dissimulées au fond d’anses discrètes et intimistes, mais qui ne restent pas moins exceptionnelles. Véritable colonne vertébrale du cap Corse, la chaîne de montagnes de la Serra parcourt la péninsule dans le sens de la longueur, depuis la Serra di Pignu (960 m d’altitude). La Serra offre ainsi plusieurs sommets dépassant les 1000m d’altitude comme l’Alticone (1139m), le Monte Stello (1306m) ou la Cime di e Follicie, son point culminant (1324m).
Le Cap Corse a longtemps été une terre de pêcheurs et de commerce, on y trouve d’ailleurs les deux plus grands ports de pêche de l’île, Centuri et Maccinaghju. Terre fertile (quand les barbaresques et les envahisseurs étrangers n’y mettaient pas leur grain de sel) elle a été et est toujours propice aux cultures variées comme la vigne, l’olivier ou encore les arbres fruitiers. Le Cap Corse rime d’ailleurs avec cédrat, la culture et le commerce de cet agrume importé d’Asie, ressemblant à un gros citron bosselé, a longtemps été une source importante de revenus pour la petite péninsule. Les villages dans le Cap ont dû s’adapter au relief haché et « chaotique ». Ainsi la grande majorité des communes du Cap sont en fait des amas de petits hameaux d’altitude (où l’on était en sécurité) regroupés autour de bâtiments clés comme des églises ou des chapelles richement décorées et qui s’ouvrent donc vers la mer au moyen des fameuses marines. Par exemple le village de Maccinaghju est en réalité la marine de Roglianu, le village principal étant perché dans les hauteurs hors d’atteinte des attaques barbaresques. C’est le cas également de Centuri qui est en fait composé de multiples petits hameaux (Cannelle, Camera, Orche, etc) et dont Centuri port est la marine.
Le Cap est historiquement une terre d’échanges et de commerce avec les territoires et pays voisins. Mais saviez-vous que son histoire est étroitement liée à celle du nouveau monde, des Amériques à l'Inde ? À l’occasion d’une promenade dans les petits villages du Cap vous apercevrez sans aucun doute d’imposantes et élégantes bâtisses. On les appelle « I palazzi di Americani », autrement dit « les palais des américains ». Elles ont été construites par les cap-corsins partis faire fortune bien loin de la Corse dans les colonies américaines alors que la famine régnait sur l’île. Une fois de retour au pays ils ont érigé ces magnifiques maisons à plusieurs étages, marqueurs de leur réussite et de leur importance dans la société insulaire. On y retrouve notamment de riches décors rappelant le nouveau monde avec des fresques colorées sur les sujets du voyage, l’exploration, la découverte etc.
Quand on pense au Cap Corse, il est impossible de passer à côté de l’apéritif éponyme inventé par Louis Napoléon Mattei au 19ème siècle. Assemblage de Mistelle de cépages de Muscat et de Vermentinu, avec des écorces de quinquina, de cédrat et une sélection de plantes, de fruits et d’épices aussi bien locaux qu’exotiques, le Cap Corse est un classique dans la gastronomie insulaire. L’apéritif*, par ses ingrédients, fait écho au Cap Corse et à son histoire mouvementée tournée face à la mer, faite d’échanges et de commerce, d’exils, de fortunes dans le nouveau monde.
Remis au goût du jour, indispensable des festivals de l’été aussi bien en Corse que sur le continent ou à l’étranger, nul doute que vous croiserez sa route pendant votre voyage sur l’île. Pensez d’ailleurs à vous arrêter au célèbre moulin Mattei au-dessus de Centuri, le dernier des moulins à vent du Cap toujours debout et restauré.
Perché sur son promontoire il offre une vue exceptionnelle sur la façade ouest du Cap Corse avec la marine de Centuri en contre-bas.
Voilà, avec cette petite introduction vous en savez déjà plus sur ce petit bout de terre envoûtant à l’histoire riche et mouvementée faite d’échanges et de conflits, aux paysages à couper le souffle et aux habitants si chaleureux. Alors ne manquez pas notre prochain article sur tout ce qu'il faut voir dans le Cap Corse après un agréable voyage en bateau entre le continent et la Corse.
En attendant nous vous proposons une liste d’articles sur d’autres régions de Corse, sur les activités et les lieux à découvrir :
L’extrême sud, une Corse à part ; Les plus belles piscines naturelles de Corse, pour un été rafraîchissant ; vos 4 meilleures raisons de venir en Corse cet été ; les plages à découvrir d'urgence en Corse.
Et pour aller plus loin, deux idées d'itinéraires à faire en quelques jours sur l'île de beauté pour tout voir, tout goûter et tout faire (avec informations historiques, culturelles, sites à visiter, etc) : La Corse en quelques jours ; Une escapade insulaire du Cap Corse à l'extrême sud en passant par la côte orientale.